LE MOT DE LA SEMAINE





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Le portable
Qui est coupable ?
La vérité se cache
Au commencement Dieu créa le digit.




Le portable


Que le portable soit un substitut phallique, on s'en doutait un peu. Mais cela restait à démontrer.

D'où l'idée de John Lycett et Robin Dunbar, deux chercheurs en psychologie de l'université de Liverpool. Ils se sont simplement installés pendant 4 mois dans un bar de la ville et ils ont observé les porteurs de portables.

Première découverte : Les hommes se démarquent radicalement des femmes. Oh, ce n'est pas qu'ils téléphonent davantage. Non, ce qui les distingue, c'est la visibilité de l'engin. Les hommes le sortent, le posent sur la table, le tripotent ? C'est parce que l'on n'a pas de sacs à main rétorquent les machos. Faux prétexte, répondent Lycett et Dunbar : Même si le portable est silencieusement niché au fond d'une mallette, les hommes l'en extirpent. A l'inverse, les femmes le rangent aussitôt après avoir téléphoné. Cet exhibitionnisme peut même se chiffrer : Les portables visibles et non utilisés sont 3 fois plus nombreux chez les mâles.

2e résultat : Plus il y a d'hommes dans le bar, plus ils ont tendance à sortir leur bidule. Signe typique d'un rituel compétitif, diagnostiquent les chercheurs. L'important n'est pas tant d'attirer le regard des femmes que d'écraser ses concurrents potentiels. D'outil de communication, le portable s'est ainsi mué en ornement culturel. En fait, il est au mâle du IIIème millénaire ce que l'étui pénien est au Papou. Ou plutôt, c'est au paon qu'il faut comparer l'utilisateur du portable : la fréquence avec laquelle ces oiseaux déploient leur queue augmente, en effet, avec le nombre de mâles dans le voisinage. Mais si le pouvoir d'une queue colorée (chez le paon) semble évident, celui d'un téléphone portable (chez l'homme) l'est moins. Il n'est plus un signe de richesse, ni de prestige professionnel.

Alors quoi ?

En fait, être greffé à un portable, c'est se glorifier d'avoir plein d'amis et d'être hyper demandé, ce qui est censé plaire aux filles.
D'autres médecins ont mis en parallèle la diminution du tabagisme chez les jeunes et la possession d'un portable : celui-ci remplacerait la clope dans le rituel d'intégration au monde adulte.
Suggérons aux sociologues d'approfondir la fonction sociale du portable.

Que dire, par exemple, de l'impérialisme sonore des imbéciles qui, n'ayant pas compris qu'il suffit de parler normalement, persistent à hurler dans leur portable : cette expression de puissance acoustique est-elle comparable au brame du cerf ?

Les travaux de Lycett et Dunbar montrent comment le portable remodèle l'archaïque concours de quéquettes. Toutefois, à cause de la miniaturisation, c'est désormais le plus petit appareil qui est le plus performant. Et ça, c'est une vraie révolution.

Comment les machos vont-ils vivre ce bouleversement ?




Qui est coupable ?


Qui est coupable? Celui qui a commencé. Celui qui provoque le désordre qui bouleverse l'ordre du monde.

Connaissez-vous l'histoire du bijoutier de la fille du roi ?

Il y avait un jour dans la ville un voleur très renommé. Il était quelque chose comme président de la guilde des voleurs. Une nuit, en escaladant le mur d'un riche négociant pour le cambrioler, il glissa et se cassa une jambe. Un défaut dans le mur ? Accident de travail grave avec incapacité de plusieurs mois, si ce n'est à vie. Devant le juge, il porta plainte pour homicide contre le riche commerçant. Le juge convoque le riche commerçant.
- Juge, dit le riche commerçant, ce qui est arrivé à cet estimé président de la guilde des voleurs est tout à fait lamentable et je suis le premier à le déplorer. Mais moi je ne fabrique pas des murs. Je paye le meilleur maçon, c'est tout. A lui de répondre.
- Très bien, dit le juge, convoquez le maçon.
- Juge, dit le maçon, je suis certainement le meilleur maçon de la ville. Mais je travaille avec les briques d'un fournisseur. Si l'une par hasard avait un défaut, cela pourrait expliquer le très regrettable accident du distingué président de la guilde des voleurs.
- Très bien dit le juge, convoquez le fournisseur de briques.
- Ah, dit le fournisseur de briques, je suis le meilleur sur la place, c'est reconnu. Mais pour fabriquer des briques, je travaille avec des moules en bois. Si le bois d'un de mes moules n'avait pas été parfait, si le bois avait joué ….
- Très bien, dit le juge, convoquez le menuisier fabriquant de moules à briques.
- Juge, dit le menuisier, j'ai derrière moi trente ans de réputation sans tâche. Cet affreux accident est horrible. Si un jour on m'avait livré un bois moins parfait.
- Qui est ton fournisseur de bois ? demande le juge.
- Le jardinier du roi.
- Très bien. Convoquez le jardinier du roi.
- Ah, dit le jardinier. Meilleur jardinier il n'y a pas. Mais peut-être un jour ais-je planté un arbre moins bien, de travers, et il a poussé moins droit. C'est possible, je me souviens. Alors que je plantais des arbres, la fille du roi est descendue se promener dans le jardin. Oui, je me souviens. Elle était d'une si grande beauté et portait tous ses bijoux splendides, scintillants de lumière, éblouissants. J'en ai fermé les yeux. Alors …
- Très bien, dit le juge, convoquez le bijoutier de la fille du roi.
- Ah, dit le bijoutier. Les bijoux de la fille du roi. Mon incontestable chef d'œuvre. On ne peut pas faire mieux.
- Très bien, dit le juge. Condamné à mort. Qui a commencé ? Qui a troublé l'ordre du monde ?

Epilogue :
On emmena le bijoutier de la fille du roi sur la grande place pour le pendre. Mais quand on l'installa sous la potence on s'aperçut qu'il était trop petit et que la corde était trop courte. Alors on a pris dans la foule quelqu'un de plus grand.




La vérité se cache.

Ecoutez, dit le conteur, la vérité est rusée, la vérité se cache. Il faut toujours la découvrir.

Ecoutez une histoire vraie pleine de sagesse où l'évidence est trompeuse.

A la ville, la grande ville, quatre riches négociants s'étaient unis pour gérer en commun un dépôt de tissus, coton et soie. Mais les souris mangeaient leurs tissus. Alors ils avaient acheté en commun un chat, chacun une patte.

Le chat courrait après les souris, le négoce des tissus prospérait, les riches négociants étaient heureux. Un jour, le chat se blesse à la patte avant gauche sur une épine. Son propriétaire, le propriétaire de cette patte là, lui met un petit pansement bien rembourré de coton. Rien à dire jusqu'ici. Mais le chat, comme tous les chats, adore regarder le feu et même jouer avec lui. Un étincelle jaillit, enflamme le coton du pansement. Hurlant de douleur, le chat bondit dans tout l'entrepôt y mettant le feu. Tous les stocks de tissus, y compris les soies les plus précieuses, partant en fumée. Catastrophe et faillite.

Les propriétaires des trois autres pattes du chat, accusent évidemment la patte enflammée et son propriétaire de les avoir ruinés. Logique. Une somme colossale est exigée. Et bien évidemment le propriétaire de la patte brûlée est condamné.

Ah, dit le conteur. Ecoutez. Parce que l'histoire ne s'arrête pas là.

Le propriétaire de la patte en feu fait appel à un très vieux sage qui s'intéressait à la vérité. Il dit que la patte de ce chat était brûlante, c'était très dommage pour le chat et le propriétaire de cette patte. Mais si tout l'entrepôt a flambé, c'est parce que sur les trois autres pattes valides le chat a couru et bondi partout. Les vrais coupables de l'incendie et de la ruine sont donc les trois autres pattes du chat. Et leurs propriétaires paieront un quart de la valeur totale du stock au propriétaire de la patte brûlante.

Chacun s'inclina devant la grande sagesse de ce jugement.




Au commencement Dieu créa le digit. Il prit ensuite huit digits pour créer un octet. Or, la mémoire était vide ; seuls les crayons et les gommes couvraient la surface du bureau. Dieu sépara alors le zéro et le un, et il vit que cela était bon.
Dieu dit : "Que les données soient !" Et il en fut ainsi.
Et Dieu dit : "Plaçons les données dans leurs lieux respectifs." Et il créa les disquettes, les disques durs et les CD-ROM. Mais le logiciel n'existait pas encore. Alors Dieu créa les programmes ; grands et petits.
Dieu leur dit : "Allez et multipliez-vous, remplissez toute la mémoire."
Dieu dit alors : "Je créerai le programmeur. Et le programmeur créera de nouveaux programmes et gouvernera les ordinateurs, les programmes et les données." Dieu créa le programmeur, et il le mit dans le centre de données.
Et Dieu montra au programmeur le répertoire et lui dit : "Tu peux utiliser tous les volumes et sous-répertoires, mais n'utilise pas Windows."

Alors Dieu dit : "Il n'est pas bon que le programmeur soit seul." Il prit un OS du corps du programmeur et il créa une créature qui regardait le programmeur, qui admirait le programmeur, qui aimait les choses faites par le programmeur. Dieu nomma la créature "Utilisateur". Il laissa le programmeur et l'Utilisateur nus dans le DOS, et il vit que cela était bon. Mais Bill était plus malin que toutes les créatures de Dieu.
Bill dit à l'utilisateur : "Dieu t'a-t-il vraiment dit de ne pas utiliser tous les programmes ?"
L'utilisateur répondit : "Dieu a dit que nous pouvions utiliser n'importe quel programme et n'importe quel bloc de données, mais il nous a dit de ne pas utiliser Windows parce que nous pourrions mourir."
Et Bill dit à l'utilisateur : "Comment peux-tu parler de quelque chose que tu n'as même pas essayé ? Dès que tu utiliseras Windows tu seras l'égal de Dieu. Tu seras capable de créer tout ce que tu voudras, rien qu'en touchant la souris."
Et l'utilisateur vit que les fruits de Windows étaient meilleurs et plus faciles à utiliser. Il vit aussi que toute connaissance était inutile, puisque Windows pouvait la remplacer. Alors l'utilisateur installa Windows dans son ordinateur ; et il dit au programmeur que cela était bon.

Le programmeur commença à chercher de nouveaux pilotes.
Alors Dieu lui dit : "Que cherches-tu ?" Le programmeur répondit : "Je cherche de nouveaux pilotes, parce que je ne peux pas les trouver dans le DOS."
Dieu lui répondit : "Qui t'a dit que tu avais besoin de nouveaux pilotes, n'aurais-tu pas utilisé Windows par exemple ?"
Le programmeur lui répondit : "C'est Bill qui nous l'a dit."
Alors Dieu dit à Bill : "Pour ce que tu as fait, tu seras haï par toutes les créatures et l'utilisateur sera toujours mécontent de toi. Pire encore, tu seras condamné à ne jamais vendre que Windows."
Dieu dit encore à l'utilisateur : "Pour ce que tu as fait, Windows te trompera et consommera toutes tes ressources et tu ne pourras acheter que de mauvais programmes que tu utiliseras dans la douleur et tu seras toujours sous la tutelle du programmeur."
Dieu dit enfin au programmeur : "Pour n'avoir pas écouté l'utilisateur, tu ne seras jamais heureux. Tous tes programmes seront farcis d'erreurs, tu crouleras sous les fiches de bugs et tu seras condamné à les corriger et à les recorriger jusqu'à la fin des temps."
Dieu les expulsa tous du centre de données et il en bloqua la porte avec un mot de passe.

Puis Dieu se ravisa et se dit qu'il n'était pas juste que tous soient punis par la faute d'un seul. Alors il créa la pomme pour narguer Bill, et le pingouin pour libérer les hommes.

PS : La pomme est le logo d'Apple Computer Inc. Le pingouin est le logo de Linux (logiciel libre)